Prononcez « Moyersonn » et retenez son nom : il se trouve fréquemment aux génériques des téléfilms ou documentaires. Sonia Moyersoen est conseiller littéraire, scénariste, réalisatrice… Sa maîtrise des arcanes de l’industrie du 7e art est complète. C’est une « script doctor » (*).
Rencontre avec une professionnelle du cinéma qui a élu domicile à Sérent et a intégré l’équipe des Passeurs d’image et de sons.
Pas trop dur, le premier hiver ?
Sonia Moyersoen. Pas du tout, je suis une fille de la campagne, du Pays d’Auge en Normandie, je savais que je ne m’ennuierai pas. Et puis, quand on vit à Paris, on est loin de se douter qu’il y a un tel foisonnement culturel en région. On a quand même cherché sur Internet où l’on atterrissait quand on a eu le coup de cœur pour la maison. Il y avait une association de promotion du cinéma documentaire en milieu rural, c’est ce que je fais ! Au forum des associations, on est allés se présenter aux Passeurs d’images et de sons. Régis (Blanchard) et Gérard (Tougait) nous ont accueillis à bras ouverts. Je fais partie maintenant de la commission de programmation. Et nous avons de très bons amis qui ont longtemps vécu à Elven et qui allaient au cinéma à Questembert. L’art et essai, c’est notre tasse de thé. Il y a aussi Malestroit, et Ploërmel. Pour aller au cinéma à Paris, on avait 30 mn de métro, ce n’est pas plus long. Et avec la connexion Internet et un abonnement de train, je continue à travailler sans problème !
La série « Trapped » vient d’être diffusée sur France 2, comment s’est passé le travail d’écriture ?
-J’ai rejoint la writing room (**) au 3e épisode, grâce à Klaus Zimmermann, de Dynamic television, avec Clive Bradley, le scénariste britannique, et Sigurjon Kjartansson, le créateur des personnages. On imaginait ensemble des développements de chaque épisode. Je balance des idées, ils prennent ou pas, je n’ai pas de problème avec ça. J’ai une force de proposition continuelle. En France, le premier épisode a été regardé par 5 millions de personnes, gros succès. Mais la chaîne a programmé trop d’épisodes par soirée, ça finissait à minuit quarante ! 92% des Islandais ont regardé (122.000 personnes, c’est un tout petit pays qui n’avait pas les moyens de financer). Et on m’a appelée la semaine dernière pour la 2e saison ! Maintenant je travaille entre autres sur « Capitaine Marleau » pour Josée Dayan, avec Corinne Masiero, il y a déjà trois épisodes en boîte.
Comment avez-vous réussi à travailler pour le cinéma ?
-Je voulais être comédienne et après avoir fait une licence de droit, je me suis lancée. Mais un jour, voyant mes aînés qui courraient le cachet, je me suis dit c’est quoi ce métier où l’on dépend de l’imaginaire des autres ! Et 1994, j’ai trouvé un poste de lectrice à GMT productions, avec Jean-Pierre Guérin, et j’ai vite été embarquée dans des aventures extraordinaires avec « Monte-Cristo » (1999), « Balzac », « Les Misérables » (2000), avec Didier Decoin à l’écriture et Josée Dayan à la réalisation. Gérard (Depardieu) était au sommet de sa carrière, on savait que ce serait énorme. Ensuite j’ai travaillé sur sur « Napoléon », avec Christian Clavier, j’étais directrice littéraire et conseillère historique, j’ai tout lu sur Napoléon car j’ai une mémoire d’éléphant. Puis il y a eu « Le Grand Charles » en 2005, avec le scénariste Bernard Stora. à ne pas confondre avec Benjamin Stora qui est historien ! J’ai travaillé comme cela sur une centaine de films, pour soutenir les auteurs.
En 2007, j’ai quitté GMT car c’était un rythme terrible, j’ai eu envie de reprendre ma liberté à l’approche de la quarantaine. On ne peut faire ce métier de direction littéraire et écrire, soutenir l’écriture des autres et produire ! Je me suis lancée en free-lance. Bernard Stora m’a demandé de travailler avec lui en tant que scénariste sur « La Dernière campagne » (2012), une fantaisie politique, avec Bernard Le Coq, Patrick Braoudé et Thierry Frémont, On vient de finir l’écriture d’un nouveau film qui s’intitule pour l’instant « Des sentiments contraires » mais c’est un mauvais titre, on en cherche un autre. Et puis dans le documentaire, j’ai travaillé avec Patricio Guzman sur « Nostalgie de la lumière » et « Bouton de nacre ». Il était nominé pour le César.
Est-il plus facile de participer à l’écriture d’un thriller islandais qu’à l’adaptation d’un classique de la littérature française ?
-On est à chaque fois en quête de la même chose : la vérité des personnages et la tension dramatique. Dans le cas d’une œuvre originale, on a toute liberté mais on peut être médiocre. Tandis que si l’on adapte un grand auteur, on part déjà avec des personnages très romanesques, c’est vivifiant !
Quels sont vos projets à présent ?
-Je suis bookée jusqu’au 15 avril, après je ne sais pas ce que je vais faire. Cette incertitude-là me convient. Un projet est en début de montage, sur la campagne présidentielle de 1995, de Jean-Charles Deniau. On a interviewé 19 personnes, dont Edouard Balladur. C’était plus marrant d’être visitée la nuit par des maréchaux d’empire que par des caciques du RPR ! « Fleur de tonnerre » est en post-production (sur Hélène Jégado, qui empoisonnait tout le monde à l’arsenic, une adaptation du livre de Jean Teulé). Il a été tourné à Auray et Moncontour. Et je m’intéresse, ces jours-ci, précisément au rayon des abeilles pour un documentaire que je co-écris avec Jean-Christophe Ribot. L’insectarium de Lizio est une idée pour le week-end prochain ! Et après il faudra revenir à des choses sérieuses : je dois tailler la glycine !
(*) Script doctor : « retape » les scénarios défaillants en étant « la nounou de l’auteur » (pointe des problèmes et donne des pistes pour y remédier). Aux Etats-Unis, ce terme implique la réécriture, ce qui n’est pas le cas en France où le script doctor prodigue ses conseils à l’auteur (il n’est d’ailleurs pas crédité au générique pur cette tâche).
(**) Writing room : séance d’intenses discussions pour trouver des idées sans être interrompus (« en Islande, on s’est retrouvés à quatre reprises dans des lieux improbables où il n’y avait parfois pas de connexion ! »).
Bientôt une « master class » pour les Passeurs
Sonia Moyersoen va animer une master class le 26 mars, en matinée, pour les adhérents des Passeurs d’images et de sons, au Pass’temps à Malestroit. Pour se joindre aux auditeurs, l’adhésion à l’association s’élève à 15 euros pour les particuliers. Les places sont limitées ! Le thème que traitera Sonia sera l’écriture du cinéma documentaire. « C’est un exercice particulier, ça n’a rien à voir avec l’écriture d’un scénario, mais la question de la dramaturgie est toujours centrale ».
Le 31 janvier, la scénariste a participé, avec Dominique de Clic ta berouette et deux agriculteurs du territoire, Ludivine et Philippe, à un ciné-débat « Etre paysan aujourd’hui », animé par Régis Blanchard (voir notre extrait vidéo ci dessous). Des courts-métrages réalisés par les Ateliers des Passeurs sur ce thème avaient été présentés ainsi que le film photographique de Sonia « Le Temps de la terre », à la salle de spectacle de Sérent.
Contact : tél. 06.99.93.01.07, ou 09.52.02.82.84, courriel : lespasseurs02@hotmail.fr(***) Master class : quand une sommité vient donner un cours à des élèves dans son domaine de prédilection. Ainsi, Ibrahim Maalouf est venu en février 2014 à l’école de musique de Ploërmel expliquer sa pratique de la trompette. Les Passeurs proposent un cycle de master class sur le cinéma avec Sonia Moyersoen, puis le 16 avril avec les réalisatrices Jill Coulon et enfin Anna Roussillon le 28 Mai
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